Bonjour,
Je voudrais d'abord remercier Xavier pour l'ouverture de ce post.
Je ne connaissais pas cet article avec lequel il lance le débat. Je trouve que, même s'il reflète bien le viscéral malaise de bien des campagnes, il n'en reste pas moins larmoyant et passéiste.
Le vide des campagnes, c'est une réalité. Mais je voudrais livrer mon expérience en la matière.
Quand je me suis installé en 87, il y avait 48 exploitants sur ma commune (2300 ha en tout), et si tu voulais des ha, c'était en veux-tu en-voilà.
Quand je suis parti en 2004, il restait 9 exploitants
Aujourd'hui, ils ne sont plus que 4. Pourtant, pas un ha n'est disponible ou en jachère.
C'est un constat, pas un avis.
En 2004, à un voisin agri qui se désolait du vide des campagnes et des villages, je lui ai demandé :
"Où tes parents sont-ils allés pour leur retraite ?? (au chef-lieu du canton)
Où vas-tu aller pour ta propre retraite, dans 2 ans ?? (dans une petite ville à proximité)
Où sont tes enfants ??? (il les a poussés à faire des études longues pour ne pas rester à la ferme)
Et ce que tu as fait, et ce n'est pas un reproche, vous êtes une majorité d'agris à l'avoir fait.
Si les vieux s'en vont et que vous poussez vos gosses dehors, comment on fait pour maintenir de la vie dans les villages et les campagnes ???"
(ma propre exploit n'a pas servi à grossir une autre, mais a servi à installer deux familles anglaises résidentes permanentes)
Je crois que le débat sur une agriculture de type "familial" n'est quasiment plus d'actualité.
Pour envisager ce que pourrait être demain, il fait déjà avoir compris ce qu'est aujourd'hui. Or, les nombreux échanges qui ont lieu ici, ou ailleurs, démontrent qu'une majorité n'a pas encore saisi la réalité de ce qu'est l'agriculture et son environnement économique aujourd'hui.
Petit exemple :
Dans une commune à côté de chez moi, il y a une grosse coop, un gros négociant, un petit négociant et deux marchands de matériels agricole un petit et un gros.
Parmi les agris du canton, chacun est plus ou moins fier de travailler avec tel ou tel.
La réalité ?
Le petit marchand de matériel ne vend plus de tracteurs mais ne fait que du matis de jardinage
Le gros négociant appartient à 99% à la grosse coop
Le petit négociant appartient à 100 % à un groupement de négociant dont la grosse coop est l'adhérent principal
Le gros marchand de matériel appartient à 99 % à une holding de concessions contrôlée à 100 % par la grosse coop.
Ce qui revient à dire que, sur ce canton, 95 % de la collecte et de la vente de matos est contrôlée par le même groupe....
Quelle marge de man½uvre réelle reste-t-il à l'agri de ce canton ??? Et ça, c'est la réalité.
On peut discourir pendant des heures sur le poids de la charge financière, du remboursement des emprunts, du coût de la msa, il n'empêche qu'être agriculteur, c'est surtout être CHEF D'ENTREPRISE. Et un chef d'entreprise, c'est d'abord un gestionnaire.
C'est vrai que la gestion ne fait ni la météo, ni les prix de ventes des produits, et que prendre chute des cours et météo désastreuse en même temps, c'est souvent être condamné, à moins d'avoir une trésorerie abondante. Mais c'est le lot de tout entrepreneur.
Entreprendre, c'est se risquer.
Si on ne veut pas de l'incertitude du risque, alors, vaut mieux devenir fonctionnaire...
D'ailleurs, si on y réfléchit deux minutes, un éleveur laitier, pendant les 25 années de quota, n'était pas loin du fonctionnariat (les congés en moins... sourire...) : un revenu garanti, charge à lui de produire la quantité avec le moins de frais possible... Une situation en or, non ??
Alors, oui, je comprends que quand on sort de cette situation, on soit inquiet.
Et pourtant, l'agriculture française dispose d'énormes atouts, dont vous avez, vous, paysans actuels ou futurs, les clés en main : les coopératives
Ces entreprises, pour certaines gigantesques, qui ne sont pas soumises à l'impôt (exemptées de l'impôt sur les sociétés de 30 %.....), c'est vous qui pouvez en orienter le fonctionnement.
Comment ça, non ???
Bien sûr que si !!!
Allez aux AG, !!! Votez !!! Refusez de donner les quitus !!! Mobilisez-vous, faites entendre vos voix !!! Le plus petit paysan y a autant de poids que celui qui a 1000 vaches !!! (un homme = une voix)
Et je peux vous dire qu'aucun administrateur, aucun DG de coop n'a l'esprit serein avant une AG.
L'agriculture a des outils dont le fonctionnement relève directement de la démocratie de la profession, et c'est UNIQUE dans le monde économique.
Et c'est là qu'il faut se mobiliser et se faire entendre !!! Pas en brûlant des locaux administratifs ou en se colletant avec les keufs sur un chantier quelconque.
Parce que l'avenir de votre profession, c'est dans vos grosses coop qu'il se dessine, c'est là où circule l'argent que les choses se décident, pas au cul des vaches ou du tracteur.... (et d'ailleurs, la marque ou la couleur de celui-ci et de votre matos ne changeront en rien votre devenir....)
Et pour en revenir à l'article du début, il est grand temps de cesser de confondre ruralité et agriculture. La ruralité appartient de plus en plus à de non-agricole, et ça aussi, c'est une réalité.
L'agriculture ne pourra pleinement s'épanouir dans son environnement économique et social que lorsque ses membres accepteront enfin que leurs voisins, qui ne sont plus agri, ont aussi leur mot à dire sur la manière dont évolue l'environnement et le milieu naturel commun.
Bon, ça y est, j'ai livré ma vision et le laisse la place à la poursuite du débat.
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wallon